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10 février 2015 2 10 /02 /février /2015 16:54
Yanis Varoufakis, le ministre grec des Finances - Lefteris Pitarakis/AP/SIPA
Cette interview qui a eu lieu juste après son entretien avec le président de la BCE Mario Draghhi le 4 février dernier, c'est Varoufakis qui l'a lui même relayée hier via son compte twitter. Elle en dit beaucoup sur l'envergure de ce ministre des finances, et sur sa droiture.
L'interview en vo: 
http://www.tagesschau.de/multimedia/video/video-60403.html
Traduction de l'interview (Sylvie Tassin).

 

M. Varoufakis vous venez de rencontrer le président de la BCE , comment s’est passée cette rencontre avec M Draghi ?

Cela a été une rencontre très agréable et très amicale en fait, très franche. Nous avons eu l’occasion tout d’abord d’apprendre à nous connaître, j’ai commencé je peux le dire par exprimer mon admiration sur la façon dont il a géré la BCE depuis qu’il a succédé à M Trichet, gestion qui doit être louée. Il a manœuvré l’euro à travers des mers très houleuses avec une très petite marge de liberté et d’une manière exemplaire. Et je n’essayais pas simplement de l’amadouer, j’ai toujours pensé cela de M. Draghi. 
Il a aussi eu l’opportunité de nous expliquer à moi et à mes collègues les contraintes et les règles selon lesquelles une banque centrale doit fonctionner. Nous avons aussi pu leur proposer notre plan de réforme pour la Grèce et pour mettre fin à la crise grecque qui n’en finit pas, et à la spirale déflationnaire de la dette . Et je quitte ou plutôt j’ai quitté ce lieu avec le sentiment très encourageant que la zone euro fonctionne.

Lors des jours qui ont suivi l’élection nous avons entendu parler de décote (effacement ?) de la dette et aujourd’hui nous entendons beaucoup parler de restructuration de la dette. Est-ce que sont simplement des erreurs de débutants ?

Pas le moins du monde. Laissez-moi éclaircir cela définitivement.
Ce que l’on nous a proposé, ce que nos partenaires nous disent lors de nos conversations est : « Ne demandez pas de décote/d’effacement, nous vous donnerons une extension de maturités et une réduction des taux d’intérêts ». Vous savez ce que c’est ? C’est une décote ! C’est une décote de la valeur réelle des remboursements que nous allons faire. Et en tant que ministre des finances de la Grèce, j’ai le devoir moral de réduire au maximum les pertes de nos partenaires. Et pas de faire mine qu’il n’y a pas eu de pertes pour sauver les apparences. Donc si nos partenaires de la zone euro et d’ailleurs n’aiment pas le mot décote, je peux respecter cela, il y a des mots que nous n’aimons pas en Grèce comme programme, troika, je peux comprendre que les mots aient une résonnance émotionnelle très forte. Mais mettons-nous au travail afin d’alléger au maximum le coût réel pour tout le monde en Europe et particulièrement pour ceux en Europe qui souffrent le plus parce que l’Europe n’a pas été construite correctement , en tout cas l’Eurozone ne l’a pas été et quand le tremblement de terre a frappé en 2008 et qu’il fut clair pour tous ceux qui avaient des yeux et des oreilles pour regarder la situation et entendre le bruit de la crise, qu'il est devenu clair pour tous que la façon dont l’Europe a répondu à ce tremblement de terre a peut-être été pire que le tremblement de terre lui-même. Le déni et un mauvais traitement peuvent aggraver une maladie avec des effets préjudiciables pour nous tous.

Vous parlez de bon traitement ? Quel est le bon traitement pour la Grèce et quelle est la solution possible pour la crise financière grecque ?

Laissez-moi juste rectifier quelque chose si vous le permettez. Je n’utilise jamais le mot crise pour la Grèce. Et je ne l’utilise pas pour des raisons très simples. La Grèce a connu une catastrophe, une implosion, une crise humanitaire si vous préférez. Mais c’est un non sens que d’y réfléchir en termes de crise économique et financière grecque. Imaginez maintenant que nous ne soyons pas ici à Francfort mais disons dans le Dakota du sud en 1931.Et que nous parlions de la crise dans le Dakota du sud. Cela aurait-il du sens ? Non, cela n’en aurait pas. Il y avait une crise financière aux Etats Unis et dans le monde occidental. C’est la crise de la zone euro. La raison pour laquelle vous êtes entrain de me parler est que mon pays est le canari dans la mine de charbon, il est très fragile c’est pourquoi il est le premier à mourir mais il n’est pas responsable du méthane qui envahit la mine et a causé l’explosion. Nous sommes responsables des défaillances de l’état, du fait que nous n’avons pas réformé, c’est la raison pour laquelle nous sommes le canari dans la mine. Mais ce n’est pas la raison pour laquelle il y a une déflation maintenant dans toute l’Europe, ni la raison pour laquelle la BCE a tant de mal à être efficace dans sa politique monétaire, tant de mal à atteindre son objectif d’inflation à 2%, ni la raison pour laquelle des nations aussi fières que la France et l’Italie ont du mal de se tenir sur leurs jambes. Nous sommes simplement le premier domino à être tombé mais nous ne sommes pas responsables de l’effet domino . Et si nous ne nous serrons pas les coudes et si nous ne considérons pas cela comme une crise systémique qui doit être traitée de manière systématique , si au lieu de cela nous nous montrons mutuellement du doigt : « qu’allez-vous faire au sujet de tel ou tel problème ? », nous n’allons pas en sortir ! Donc nous devons réfléchir en Européens, nous asseoir et redémarrer notre politique.

Vous demandez des conditions de réformes plus douces pour le peuple grec. Qu’est-ce que la Grèce a à offrir au peuple européen en échange ?

Lors de mes voyages d’une capitale européenne à une autre, la manière dont j’aborde les choses avec mes homologues ou mes interlocuteurs est très simple : « allez-vous nous aider à réformer ce pays ? » Nous ne sommes pas un gouvernement expérimenté, aucun d’entre nous n’a d’expérience dans un gouvernement . Nous sommes même une grande chapelle avec des opinions différentes comme j’aime le dire mais ce que avons pour nous est que nous ne sommes pas corrompus, pas encore !
Nous sommes une nouvelle opportunité. Alors la question qui se pose est : est-ce que l’Europe va nous aider ? Ou est ce qu’elle va continuellement feindre de nous noyer de peur que si la Grèce n’ait le temps de respirer elle retourne à ses démons ? C’est un contrat social que nous devons conclure entre la Grèce et nos amis européens. Nous devons les convaincre que nous sommes sérieux et ils doivent donner à la Grèce une chance de grandir dans une Europe qui promeut une prospérité partagée au lieu d’une austérité partagée.

Demain vous allez rencontrer le ministre des finances allemand M Schäuble, quel sera votre message ?

Je pense que tout chez nous sera nouveau pour eux parce que il y a un écart majeur entre ce que nous disons et croyons et ceux que d’autres prétendent que nous disons et croyons. Alors communiquer et établir un modus vivendi est notre essence, notre devoir moral d’Européens pour nous comprendre. Laissez-moi être très bref en un exemple. Nous avons été dépeints comme un parti populiste et anti européen. Rien n’est plus éloigné de la vérité. Nous ne sommes pas populistes car nous n’avons pas promis tout à tout le monde, nous avons particulièrement veillé à avoir pour cible la crise humanitaire . Et je crois que M. Shäuble et M. Sapin que j’ai vu l’autre jour ,que vous, que tout Européen sera d’accord pour dire qu’il n’est pas juste que des dizaines de milliers ou des centaines de milliers de Grecs dorment dans la rue et aient faim le soir à cause de l’échec de l’Europe et du gouvernement grec à gérer cette crise déflationnaire de la dette. De toutes les nations d’Europe je crois que les Allemands sont bien plus proches de nous et ont une bien meilleure chance de comprendre ce message très simple : si vous humiliez une nation fière pendant trop longtemps et que vous la soumettez aux épreuves et aux tribulations d’une crise déflationnaire de la dette sans la moindre lueur au bout du tunnel, ce qui se produit est que l’œuf du serpent commence à éclore. Et quand je retournerai en Grèce et à mon parlement, je devrai m’asseoir à côté d’un parti nazi qui est le 3ème plus grand parti de Grèce. Je suis certain que vous, Dr Shäuble, Mme Merkel , et que tous ceux qui marchent dans les rues de Frankfort ou de n’importe quelle ville d’Allemagne ressentent de la solidarité avec ceux qui souffrent ce calvaire et savent que ce n’est pas dans l’intérêt de l’Allemagne, que ce n’est pas dans l’intérêt de la Grèce de voir émerger ce type de situation parce que… regardons les choses en face. La méchanceté grandit, et elle contamine l’Europe. Nous ne voulons pas d’une époque post années 30.

Vous demandez de l’aide : qu’attendez-vous de l’Union Européenne ?

La chose que nous demandons est de ne pas se voir imposer d’ultimatum…
Donnez-nous jusqu’à la fin du mois, jusqu’à la fin mai pour que nous puissions faire des propositions et délibérer, même pas négocier, délibérer avec nos partenaires et qu’ avant l’été, vers la fin du printemps ,nous puissions avoir un nouveau contrat entre la Grèce et l’Europe de façon à lancer un processus qui mènera à un merveilleux équilibre où vous n’aurez pas à m’interviewer, la Grèce ne fera pas les gros titres et ne sera plus cette plaie purulente qui démange et irrite le reste de l’Europe.


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24 janvier 2015 6 24 /01 /janvier /2015 22:44

Dernières pensées avant de prendre mon vol pour Athènes. 
Me viennent à l'esprit constamment des images des cinq dernières années: les manifs, les places occupées, les lacrymos à n'en plus finir place Syntagma, jusqu'au vomissement, les cortèges impétueux d'octobre 2011, le centre d'Athènes regorgeant de misère, les dizaines et dizaines de réunions, l'occasion ratée de juin 2012, les visages hagards dans les rues, les moments d'abattement, la nouvelle de l'assassinat de Pavlos Fyssas, les centaines de nouveaux amis, de nouveaux camarades, en Grèce et hors de Grèce, mais aussi ceux avec qui un fossé irrémédiable s'est creusé.
Me viennent aussi à l'esprit des images plus anciennes, de l'enfance. Avant tout celles de l'été 1974, la fin du cauchemar de la dictature, le retour, la liberté retrouvée, des cortèges spontanés ou massifs que je croisais en allant ou en sortant de l'école dans le centre ville d'Athènes, les premiers drapeaux rouges devant les foules étonnées de leur propre audace.
Demain, il faudra vivre pleinement le moment, s'abandonner à l'émotion, s'ouvrir à ces nouvelles sensations. Et pourtant, ce n'est, ce ne sera, qu'une étape. Des choses inédites, exceptionnelles de gravité, commencent lundi. On le sait.
Comme aimait dire Daniel, "on aura au moins essayé".
Mais d'abord, il faut prendre Athènes!
"Pour que nos rêves prennent leur revanche" (Elytis).

 

C'est avec ces paroles qu'Alexis Tsipras a terminé, de façon largement improvisée, son dernier discours de campagne, à Héraklion en Crète.

"La Grèce c’est avant tout les hommes et femmes qui la font. Comme nous l’a souvent dit notre cher Manolis Glezos: « entendez-vous ce bruit ? C’est l’Histoire qui frappe à notre porte » !
Je vous appelle toutes et tous aujourd’hui à ouvrir cette porte pour que passent les luttes, les rêves, la justice, la dignité. 
Un peuple qui s’est battu pendant cinq ans avec les fauves, un peuple qui est passé par le fer et par le feu à plusieurs reprises au cours de son histoire, un peuple qui n’a pas plié est un peuple qui sait livrer des combats et qui sait comment vaincre. Et il vaincra ! 
Je vous appelle à mener ensemble le combat jusqu’au bout ! Je suis certain que nous l’emporterons. Avec courage, avec confiance en nous ! « La liberté exige de la vertu et de l’audace » [paroles du poète Andreas Kalvos, 1792-1869], nous allons la conquérir ! Nous vaincrons ! Dimanche nous ferons l’Histoire !"

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11 janvier 2015 7 11 /01 /janvier /2015 22:41
Photo de Yves Delahaie.
Photo de Yves Delahaie.
Plus de deux siècles entre ces deux images nous rappellent que notre liberté n'est jamais acquise. 
Ce que je souhaite pour ces hommes morts d'avoir osé dire, dessiner ou écrire, c'est que nous, les millions de personnes qui nous sommes levées  et avons  marché pour leur rendre hommage, décidions de continuer à être des hommes et des femmes debout, qui ouvrent les yeux , qui interrogent, qui vont au delà des images et des paroles faciles.
Si Charb, Tignous, Wolinski, Cabu, Philippe Honoré, Bernard Maris, Elsa Cayat, Mustapha Ourrad, Michel Renaud, Frédéric Boisseau, Franck Brinsolaro, Ahmed Merabet  peuvent permettre ce sursaut, dont nous avons un besoin criant, alors franchement, je crois que  là-haut, ils feront une fête d'enfer.
Et nous leur devons bien ça.
S .T.

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23 septembre 2014 2 23 /09 /septembre /2014 20:57

EMPREINTE TERRE  

article ici:

http://www.novethic.fr/empreinte-terre/climat/isr-rse/face-au-rechauffement-climatique-naomi-klein-encourage-la-radicalisation-142793.html

Il y a urgence. Réduire les émissions de CO2 ne suffira pas à sauver la planète : c’est la mise en garde de Naomi Klein dans son dernier livre "This Changes Everything". Très critique envers les responsables politiques avant le Sommet sur le climat organisé demain par le secrétaire général des Nations Unies, l’essayiste militante a manifesté dimanche dernier à New York avec des centaines de milliers d’autres personnes. Elle estime que "le mouvement social" a seul le pouvoir d’impulser un changement de modèle économique.

Naomi Klein, à Washington, le 19 septembre 2014.
crédit : FR

Comme des centaines de milliers de personnes, l’essayiste et journaliste canadienne Naomi Klein est allée manifester hier à New York pour demander aux dirigeants du monde d’agir contre le changement climatique. Cette figure emblématique du courant altermondialiste n’est pourtant pas une aficionado des grandes manifestations. Mais cette fois-ci, l’enjeu est trop fort.

C’est ce qu’elle expliquait l’avant-veille, dans un lycée huppé de Washington, lors de la présentation de son dernier livre : "This Changes Everything"1. Comme elle, une bonne partie de son auditoire avait prévu de faire le déplacement. Car c’est là que, ce mardi 23 septembre, 120 dirigeants du monde entier sont attendus par le secrétaire général des Nations Unies, Ban-Ki-Moon, pour tenter d’avancer, au plus haut niveau, sur la lutte contre le changement climatique. Un événement rarissime, car hors du processus des négociations annuelles habituelles.

Mais là où le secrétaire général des Nations Unies a choisi comme slogan "Accélérer le mouvement", Naomi Klein prône, elle, le "changement radical".

 

Le climat victime du "pouvoir de l’argent"

 

L’essayiste admet ne pas être une écologiste de la première heure. "Je me disais que la science, c’était trop compliqué (…) Et je continuais à me conduire comme si de rien n’était, avec cette carte brillante dans mon portefeuille qui prouvait que j’étais une cliente fidèle des compagnies aériennes", confie-t-elle. Mais l’auteure de "No Logo" prend peu à peu conscience que les maux économiques qu’elle dénonce – les privatisations, la dérégulation ou, plus récemment, les politiques d’austérité – ont un impact direct sur l’environnement. Or, le monde a justement laissé au marché le soin de régler la question climatique, estime-t-elle.


Pour échapper aux critiques, Naomi Klein a voulu que son essai soit le plus solide possible d’un point de vue scientifique. Les preuves ne manquent pas, le groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, plus connu sous le nom deGIEC, publie régulièrement, depuis 25 ans, un état alarmant de la situation.

 

Elle n’espère plus rien de Barack Obama

 

Depuis le 23 juin 1988 (année du 1er rapport du GIEC), "on a perdu le droit de croire qu’il n’y a pas de changement climatique", insiste Naomi Klein. Ce jour-là, le climatologue James Hansen met en garde pour la première fois officiellement les parlementaires américains. Ironie du sort, dans la salle du Congrès, la chaleur est étouffante : il fait plus de 35 degrés et... la climatisation est en panne.


Près de 25 ans plus tard, Naomi Klein n’espère plus rien des responsables politiques. Notamment de Barack Obama. La crise bancaire de 2008-2009 aurait dû permettre une remise en cause du système économique, assure l’essayiste, traumatisée par l’échec du Sommet de Copenhague . Aujourd’hui, elle reconnaît que "le timing est serré" pour agir. Et pas question de faire dans la demi-mesure. Le temps où l’on pouvait espérer seulement réduire les émissions de CO2 ou invoquer des innovations techniques "miracles" pour résoudre le problème appartient au passé.

 

Pas de solutions miracles, mais un appel à la mobilisation

 

La solution "radicale" prônée par Naomi Klein doit venir de tous. "Pour nous, grands consommateurs, cela signifie changer notre façon de vivre, changer le fonctionnement de nos économies, et changer même la manière dont nous envisageons notre place sur Terre." Elle encense les villes qui ont rompu les contrats les liant à des fournisseurs d’électricité privés. Elle rend hommage aux militants qui se sont opposés au projet d’oléoduc Keystone XL entre le Canada et les Etats-Unis.


Mais l’essayiste n’a pas de mesures prêtes à l’emploi. A ceux qui lui demandent si une révolution d’un tel ordre a déjà eu lieu, elle cite l’abolition de l’esclavage. A tous, elle dit compter aujourd’hui sur la force du "mouvement social"  pour impulser une dynamique. Dimanche, selon les organisateurs, ils étaient près de 400 000 dans les rues de New York pour la Marche pour le climat. Au milieu de la foule, on a pu apercevoir le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, l’ancien vice-président américain Al-Gore, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et plusieurs élus américains. Pas Barack Obama.


(1) "This Changes Everything : Capitalism vs the Climate" est sorti mi-septembre aux Etats-Unis et dans plusieurs pays anglo-saxons. L’ouvrage devrait être disponible en France au printemps 2015, aux éditions Actes Sud.

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21 septembre 2014 7 21 /09 /septembre /2014 10:16

Un bel article qui remet les pendules à l'heure.


http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20140903trib000847144/ces-super-riches-qui-se-voient-hors-de-la-societe.html

 

Ces super riches qui se voient hors de la société

Opinions (Crédits : CC Andrzej Barabasz)
Depuis les années 80, les super riches américains ont oublié tout civisme ou patriotisme, se considérant hors de la société. Même si, en cas de crise, ils ont évidemment besoin de l'Etat pour garantir leur richesse. Par Dani Rodrik, professeur à Princeton

F. Scott Fitzgerald a eu cette célèbre formule selon laquelle les plus fortunés de ce monde seraient « différents de vous et moi. » Leur richesse financière les rendrait « cyniques là où nous nous montrons confiants, » et les amènerait à se considérer « meilleurs que nous. » Si ces quelques mots revêtent actuellement tout leur sens, c'est sans doute parce qu'à l'époque où ils furent écrits, en 1926, les inégalités observées aux États-Unis avaient atteint des sommets comparables à aujourd'hui.

 Jusqu'aux années 80, des riches faisant preuve d'une "responsabilité civique"

Au cours de la majeure partie d'une période intermédiaire comprise entre l'après-guerre et les années 1980, les inégalités constatées au sein des pays développés sont restées modérées. L'écart entre les plus riches et le reste de la société apparaissait moins colossal - pas seulement en termes de revenus et de richesse, mais également en termes d'inclusion et d'existence sociale. Les riches détenaient certes une plus grande fortune, mais semblaient en quelque sorte appartenir à la même société que les plus défavorisés, reconnaissant les considérations géographiques et la citoyenneté comme autant de raisons de partager un destin commun.

Comme le souligne Mark Mizruchi de l'Université du Michigan dans un ouvrage récent, l'élite américaine du monde des affaires à l'époque de l'après-guerre démontrait « l'éthique d'une certaine responsabilité civique, ainsi qu'un individualisme éclairé. » Elle était disposée à coopérer avec les syndicats, et se montrait favorable à un solide rôle de l'État dans la régulation et la stabilisation des marchés. Ses membres admettaient la nécessité de l'impôt aux fins du financement de biens publics importants, tels que les autoroutes inter-États ou encore le versement de prestations aux personnes âgées et défavorisées. Les élites commerciales n'étaient pas moins politiquement puissantes à l'époque qu'elles le sont aujourd'hui. Elles usaient néanmoins de leur influence pour promouvoir un agenda s'inscrivant plus largement dans l'intérêt national.

Aujourd'hui, de véritables "empereurs moghols aux abois"

Par opposition, les super-riches d'aujourd'hui se comportent comme de véritables « empereurs moghols aux abois, » pour reprendre la formule évocatrice de James Surowiecki. Le premier coupable figurant sur la liste de Surowiecki n'est autre que Stephen Schwarzman, président directeur général de la société d'investissement privée The Blackstone Group, dont la richesse s'élève aujourd'hui à plus de 10 milliards de dollars.

Ainsi Schwarzman se comporte-t-il comme s'il se sentait « encerclé par un gouvernement indiscret et avide de recettes fiscales, ainsi que par une pleurnicharde et envieuse populace. » L'homme d'affaires a suggéré qu'il pourrait être « judicieux d'augmenter l'imposition des plus défavorisés afin qu'ils puissent mettre la main à la pâte, » et affirmé considérer la proposition de comblement du vide de réglementation fiscale autour de l'intéressement - dont il bénéficie personnellement - comme équivalant à « l'invasion de la Pologne par l'Allemagne. » Pour reprendre une autre formule de Surowiecki : « le spécialiste du capital-risque Tom Perkins et le cofondateur de Home Depot, Kenneth Langone, ont tous deux comparé les critiques populistes formulées contre les riches au harcèlement perpétré par les nazis à l'encontre des juifs. »

Les entreprises américaines ne dépendent plus du consommateur américain... et la menace communiste a disparu

De l'avis de Surowiecki, ce changement d'attitude est en grande partie lié à la mondialisation. Les grandes banques et entreprises américaines sillonnent aujourd'hui la planète en toute liberté, et ne dépendent guère plus du consommateur américain. Ainsi la santé de la classe moyenne américaine apparaît-elle dorénavant revêtir peu d'importance à leurs yeux. Le socialisme serait en outre tombé à l'eau d'après Surowiecki, et rien ne contraindrait plus désormais l'État à privilégier outre mesure la classe ouvrière.

Mais ceux de ces empereurs moghols qui considèrent ne plus avoir besoin du soutien de leur gouvernement national commettent une erreur colossale, tant il est vrai que la stabilité et l'ouverture des marchés à l'origine de leur richesse n'ont jamais autant dépendu de l'action de l'État.

En période de relative accalmie, le rôle des gouvernements dans l'élaboration et l'application des règles régissant le fonctionnement des marchés peut certes apparaître éclipsé, comme si les marchés opéraient sur pilote automatique, libérés d'une incommodante intervention étatique qu'il s'agirait d'éviter.

Les super-riches se souviennent de leur nationalité quand les choses tournent mal

Mais lorsque les nuages de la tempête économique pointent à nouveau sur l'horizon, chacun retourne s'abriter auprès de son gouvernement d'appartenance. C'est seulement alors que les attaches liant les grandes sociétés à leur terre natale apparaissent pleinement évidentes. Comme l'a intelligemment relevé l'ancien gouverneur de la Banque d'Angleterre Mervyn King en matière de finance, « les grandes banques mondiales vivent une existence à l'international, mais trouvent la mort sur le territoire national. »

Songez à la manière dont le gouvernement américain est intervenu pour garantir la stabilité financière et économique au cours de la crise financière mondiale de 2008-2009. Si l'État n'avait pas renfloué les grandes banques, le géant assureur AIG, ou encore le secteur automobile, et si la Réserve fédérale n'avait pas inondé l'économie de liquidités, la fortune des super-riches aurait subi un coup sévère. Beaucoup ont affirmé que l'État aurait dû se concentrer davantage sur le sauvetage des propriétaires de biens immobiliers ; il a néanmoins préféré soutenir les banques - une politique dont l'élite financière est la première à avoir bénéficié.

Les plus fortunés ne ressentent plus d'appartenance à la société,

Même en temps normal, les super-riches dépendent de l'assistance et de l'intervention de l'État. Le gouvernement a en grande partie financé les importantes recherches à l'origine de la révolution des technologies de l'information ainsi que de l'émergence d'entreprises telles qu'Apple et Microsoft.

Qui d'autre que l'État promulgue et fait respecter les droits d'auteur, les brevets ainsi que les marques protégeant la propriété intellectuelle, garantissant ainsi aux innovateurs les plus talentueux un flux régulier de bénéfices monopolistiques ? Qui d'autre que l'État subventionne ces établissements d'enseignement supérieur qui permettent de former une main d'œuvre qualifiée ? Enfin, n'est-ce-pas l'État qui négocie les accords commerciaux auprès des autres pays, de sorte que les entreprises nationales bénéficient d'un accès aux marchés étrangers ?

Si les plus fortunés considèrent aujourd'hui ne plus faire partie de la société, et ne plus avoir véritablement besoin de l'État, ce n'est nullement parce que cette croyance correspond à une réalité objective, mais bien davantage en raison de ce portait prédominant à notre époque consistant à dépeindre les marchés comme des entités autonomes fonctionnant sur leur propre carburant. Ce discours se répand en effet dans tous les pans de la société, autant chez les riches que dans la classe moyenne.

Pas de marchés prospères sans société, une évidence oubliée

Il ne s'agit pas ici d'espérer que les super-riches se comportent de manière moins égoïste que n'importe quel autre groupe. En effet, ce n'est pas tant leur individualisme qui entrave la marche d'une plus grande égalité et d'une meilleure inclusion sociale. L'obstacle le plus significatif en ce sens réside davantage dans l'absence de reconnaissance du fait que les marchés ne sauraient engendrer une prospérité durable - bénéfique pour chacun - à moins qu'ils soient appuyés par une société saine et une gouvernance appropriée.

Traduit de l'anglais par Martin Morel

Dani Rodrik, professeur de sciences sociales à l'Institute for Advanced Study de Princeton, dans le New Jersey, est l'auteur de l'ouvrage intitulé The Globalization Paradox: Democracy and the Future of the World Economy.

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20 septembre 2014 6 20 /09 /septembre /2014 15:46
Ci-dessous l'appel de Nicolas Hulot, article tiré du JDD

http://www.lejdd.fr/Societe/Climat-l-humanite-est-au-pied-du-mur-par-Nicolas-Hulot-688324

Hulot : "L'humanité est au pied
du mur"

TRIBUNE - Nicolas Hulot, envoyé spécial de François Hollande pour la protection de la planète, lance un appel, alors que se tient dimanche une grande marche pour le climat dans plusieurs villes du monde. "Réveillez-vous, indignez-vous, osez le changement et résistez au fatalisme", déclare l'écologiste.

Pour le climat, on n'a pas le choix de faire ou de ne rien faire. Il n'y a pas d'alternative. C'est la menace majeure qui pèse sur l'humanité. Le pire danger aujourd'hui serait que, au prétexte que la période est difficile, nous soyons dans le déni. Si j'ai un cri à lancer, c'est : "Réveillez-vous, indignez-vous, osez le changement et résistez au fatalisme."

Le contexte géopolitique ou économique ne sera jamais favorable. Pour une raison bien simple : la crise climatique va transformer toutes ces crises en une, profondément systémique. Il y a un silence irresponsable de la classe politique et une forme de résignation silencieuse d'une partie de la société civile. Ne nous résignons pas. Ce sujet tétanise nos responsables politiques, car il remet en cause un modèle économique qui les a nourris pendant des décennies. C'est un réel changement de logiciel. Dans un premier temps, on pouvait dire 'on ne savait pas', maintenant on sait. On pouvait dire 'on ne sait pas quoi faire', maintenant on sait quoi faire. Des solutions existent, mais il faut les mettre en œuvre. Cela demande des changements profonds. Il faut qu'il y ait un minimum d'esprit coopératif dans la classe politique. Ce n'est pas la gauche, la droite, ce n'est pas le Nord, le Sud, ce n'est pas les pays riches et les pays pauvres. C'est l'humanité qui est au pied du mur. Essayons d'agir en humain et non en barbare. Il faut créer un lobby des consciences. 

"Paris 2015, ce sera l'aboutissement"

Le point focus est Paris en décembre 2015, où 194 Etats doivent passer un accord global pour prendre la suite du protocole de Kyoto qui arrive à échéance. La courbe de l'irréversible croise une certaine courbe du fatalisme. A Paris, il y a la volonté des Nations unies, et de la France qui héberge cette conférence, de remettre tout le monde en mouvement, et de passer à un stade supérieur d'engagement. Mais quand 194 Etats doivent remettre à plat leurs priorités économiques et acter une sortie de l'économie carbonée, c'est très compliqué... Plutôt que de s'en effrayer, il faut s'en responsabiliser. La semaine prochaine à New York, Ban Ki-moon donne l'occasion que les discussions puissent commencer et que les gouvernements posent déjà sur la table un certain nombre de propositions concrètes. Comment finance-t-on à la fois l'adaptation au changement climatique pour les pays du Sud, et la transition énergétique? Paris 2015, ce sera l'aboutissement. Paris 2015, c'est le grand rendez-vous pour l'humanité. L'humanité va décider de son avenir à Paris.

La tâche sera d'autant plus facile pour la diplomatie française, et pour ma mission d'envoyé spécial, que nous montrerons un chemin. La loi sur la transition énergétique est un moment très important. Plus on sera ambitieux, plus on prendra un avantage économique pour le futur, et plus on permettra à la diplomatie française d'être crédible dans ces négociations internationales. Il faut comprendre que d'ici la fin 2015, nos meilleurs alliés sur ces sujets seront malheureusement les évènements climatiques. Ce seront des rappels à l'ordre brutaux. Je me sens une responsabilité particulière en tant que père de famille. Je sais que nous sommes en train de déterminer l'avenir de nos enfants. Si l'on ne fait rien, on se retrouvera, tous penauds, à la table des conséquences dans quelques années. 

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18 septembre 2014 4 18 /09 /septembre /2014 19:54

Ci-dessous la dernière lettre de ND à ses adhérents.

 

La lettre aux adhérents

18 septembre 2014

 

 


Pas de grands discours, Nouvelle Donne est au travail ! Voici les nouvelles de la semaine.
 
Lancement des premières commissions thématiques nationales
Pensées par et pour les adhérents, les premières commissions thématiques nationales voient enfin le jour.
Entreprises, Environnement, Revenu de base, Culture, Connaissance ouverte... Ce sont les premières d'une longue série de lieux de travail dématérialisés qui contribueront à l'élaboration du projet Nouvelle Donne. Les Commissions sont désormais, à l'instar des Comités locaux, des portes grandes ouvertes pour les expert(e)s, les lanceurs d'alerte, les expérimentateurs et les citoyen(ne)s engagé(e)s.
Une dizaine d'autres commissions thématiques nationales sont en cours de constitution, vous serez informés très prochainement de leur lancement.
découvrir et contacter les commissions thématiques nationales de Nouvelle Donne
 
Le mot des adhérents-architectes
Méthode, collecte de centaines de contributions, vote en préparation... Les architectes font un point sur leur travail (et le vôtre) pour le mois de septembre. Restez à l'écoute, la première consultation en ligne approche !
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Nouvelle donne crée son agence créative !
L’ATELIER est une initiative d’adhérents afin de créer un pôle de compétences pour concevoir, créer, designer nos matériels militants (affiches, tracts, banderoles,...), nos documents, nos présentations (fiches, articles, dossiers), nos sites, nos supports événementiels, etc. Pour les rejoindre et pour toute information, consultez l'appel à compétences... N’hésitez pas !
 
 
L'actu politique c'est aussi...
  • Le vote de confiance à l'Assemblée nationale. Notre co-présidente Isabelle Attard, députée du Calvados, a voté contre la confiance au gouvernement, estimant notamment qu'en s'entêtant dans une politique de l'offre, "Manuel Valls reste bloqué dans la même erreur économique majeure que François Hollande".
    Tribune parue sur le site du NouvelObs.com
  • Deux de nos membres étaient invités des plateaux de France 3 la semaine dernière : Bruno Gaccio pour un échange avec Laura Slimani, présidente du Mouvement des jeunes socialistes (MJS) et Alain Godard, face à Hervé Mariton (UMP)
  • A l'agenda cette semaine et dans les semaines à venir : la Marche mondiale pour le climat dimanche 21 septembre et la journée européenne de mobilisation contre le TAFTA et ses petits cousins CETA et TISA le samedi 11 octobre.
Bonne semaine à toutes et à tous.
A la semaine prochaine,


Nouvelle Donne
 
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10 septembre 2014 3 10 /09 /septembre /2014 17:26
Marche mondiale pour le climat

« Pour tout changer, il faut tout le monde ! » Nouvelle Donne invite ses adhérents et sympathisants à se joindre à la marche mondiale pour le climat du dimanche 21 septembre. A Paris, la marche partira de la place de la République à 14h et prendra la direction du parvis de l’Hôtel-de-Ville où se tiendra ensuite un concert gratuit du chanteur Patrice.

Paris_map-011

A Nice, Lille, Nantes, Toulouse, Bordeaux, Lyon, Rennes, Auxerre, Marseille et partout ailleurs en France, des marches s’organisent aussi. Cliquez ici pour retrouver le rassemblement le plus proche de chez vous.

Le 23 septembre prochain, le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki Moon, réunit les chefs d’État du monde à New-York, afin d’établir la feuille de route des négociations en vue de la COP 21 à Paris en 2015.

A cette occasion, le mouvement AVAAZ, avec le soutien de nombreuses organisations et associations, coordonne un événement mondial sans précédent le 21 septembre, pour faire entendre les voix citoyennes et une volonté d’objectifs politiques ambitieux pour le climat et la planète, en ressemblant des centaines de milliers de citoyens à New-York, Paris, Berlin, Londres, Rio, New Delhi, Melbourne et Vancouver.

Pour des infos sur la marche à Nantes:

https://secure.avaaz.org/fr/event/climate/Marche_Pour_le_Climat_14?source=blast&cl=5729195330&v=44554

 

 

 

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31 août 2014 7 31 /08 /août /2014 18:34

Traduction d'un article  de Paul Krugman, économiste prix nobel 2008, qui montre comment en trahissant ses promesses Hollande trahit l'Europe et son idéal.

Article en version originale ici:

http//www.nytimes.com/2014/08/29/opinion/paul-krugman-the-fall-of-france.html

François Hollande, président de la France depuis 2012, aurait pu être un espoir.

Il a été élu sur la promesse de tourner le dos aux politiques d’austérité qui ont tué le redressement économique trop bref  et insuffisant de l’Europe.

Dans la mesure où la justification intellectuelle de ces politiques ne tenait pas et était vouée à  s’écrouler rapidement, M.Hollande aurait pu être le meneur d’un bloc d’états exigeant un changement de politique.

Or le destin en a décidé autrement. Une fois au pouvoir M Hollande a promptement plié, cédant complètement aux demandes de davantage d’austérité.

Mais ne dites pas qu’il manque totalement de fermeté.

Alors que les conséquences désastreuses de l’austérité européenne se font de plus en plus flagrantes au fil des mois, et que même Mario Draghi, président de la Banque Centrale Européenne, en appelle à un changement de cap , M Hollande a pris en début de semaine des mesures radicales mais malheureusement pas sur le plan économique

Non, il a consacré toute son énergie à purger  son gouvernement  de ceux qui osaient remettre en cause sa soumission à Berlin et Bruxelles.

Spectacle incroyable.  Et pour en saisir toute la dimension, il faut comprendre deux choses.Tout d’abord, l’Europe est dans une situation très difficile.Mais malgré le désastre ambiant, la France s’en sort mieux que ne le laissent entendre les journaux d’actualités. La France n’est pas la Grèce, et ce n’est pas non plus  l’Italie. Mais elle se laisse malmener comme si elle était un cas désespéré.

  • Concernant l’Europe:tout comme les Etats-Unis,  la zone euro (c’est-à-dire les 18 pays qui utilisent l’euro comme monnaie commune) a commencé à se remettre de la crise financière de 2008 à la mi-2009. Mais lorsque la  crise de la dette a explosé en 2010, certains états européens ont été forcés, pour pouvoir emprunter, d’opérer des coupes sévères dans les dépenses et d’augmenter les impôts de la population active. Pendant ce temps l’Allemagne et les autres pays créditeurs n’ont rien fait pour compenser la pression à la baisse et la Banque Centrale Européenne, à la différence de la Réserve fédérale et de la Banque d’Angleterre, n’a  pas pris de mesures exceptionnelles pour stimuler la dépense privée. Par conséquent la reprise européenne s'est paralysée en 2011, et n’est jamais vraiment repartie .En ce moment, l’Europe est dans une situation plus grave qu’elle ne l’était à un stade comparable de la Grande Depression. Et le pire est à venir, car elle  présente tous les signes de  glissement vers un piège déflationniste à la Japonaise.
  • Comment la France se situe-t-elle  dans ce tableau ? A en croire  les journaux  l’économie française part en vrille à force de  dysfonctionnements,  car elle est paralysée par des impôts élevés et trop de régulation gouvernementale. Si bien qu’on a de quoi être choqué à la lecture de  chiffres qui ne collent pas du tout avec le tableau. La France est en difficulté  depuis 2008 (elle est à la traîne par rapport à l’Allemagne en particulier), mais la croissance globale de son PIB est bien meilleure que la moyenne européenne, étant non seulement supérieure   aux économies en situation difficile d’Europe de Sud mais à celle d’ états créditeurs comme les Pays-Bas.Ses résultats en matière d’emploi ne sont pas trop mauvais. En fait les adultes d’âge mûr ont bien plus de chances de trouver un emploi en France qu’aux USA. Et la situation de la France ne semble pas non plus particulièrement fragile. Son déficit commercial n’est pas très important, et elle peut emprunter à des taux historiquement bas.

Pourquoi dans ce cas La France  a-t-elle si mauvaise presse? Il est difficile de ne pas suspecter une manoeuvre politique : l’Etat en France est puissant  et c’est un état providence généreux, ce qui à en croire  l’idéologie libérale mène forcément à la catastrophe.  Alors c’est la catastrophe que l’on s’attache à dépeindre, même si cela ne colle pas avec les chiffres.

Et bien qu’il soit à la tête du parti socialiste français, M.  Hollande, semble croire  à ce dénigrement empreint d’idéologie.  Pire, il est tombé dans ce cercle vicieux  où les politiques d’austérité paralysent la croissance, et où on utilise  cette paralysie  pour démontrer que la France a besoin d’encore  plus d’austérité.

C’est très triste, et pas seulement pour la France.

Plus  que la France,  c’est l’économie européenne qui  est dans une situation désastreuse. Je pense que M. Draghi comprend à quel point cela va mal. Mais c’est à peu près la seule chose que puisse faire la Banque Centrale et en tout cas il a peu de marge de manœuvre tant que les leaders élus ne sont pas décidés à remettre en cause la monnaie forte et l’orthodoxie de l’équilibre budgétaire. Et pendant ce temps l’Allemagne est incorrigible. Sa réponse officielle au remaniement français est qu’il n’y a aucune contradiction entre assainissement des finances publiques et croissance. Malgré l’expérience de ces 4 dernières années nous pensons toujours que l’austérité est  synonyme de croissance économique.

 

Alors l’Europe a désespérément besoin que le leader d’une grande puissance économique (une puissance  qui ne soit pas dans un état désastreux), se lève pour  dire que l’austérité tue les perspectives économiques du continent. M. Hollande aurait pu et dû être ce leader, mais il ne l’est pas.

Et si l’économie européenne continue à stagner ou pire encore, qu’adviendra-t-il du projet européen? De son effort de long-terme de garantir la  paix et la démocratie grâce à  une prospérité partagée ? En faisant défaut à la France, M. Hollande  fait aussi défaut à l’Europe dans son ensemble- et personne ne sait quels dégâts  cela peut causer.

 

Paul  Krugman

(traduit par Sylvie Tassin)

 

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5 août 2014 2 05 /08 /août /2014 10:56

 

 

Quelques phrases phare de son entretien dans le Télérama du 2 août.

"L'antisémitisme et le racisme anti-arabe sont les deux facettes d'une même pensée d'extrême droite que l'on voit grandir en France."

"C'est terrible, il est arrivé la pire des choses possibles: le peuple le plus persécuté de l'Histoire,après avoir créé un Etat sur sa Terre promise, est à son tour devenu persécuteur.Et,en agissant ainsi, il fait reflamber l'antisémitisme partout dans le monde,qui n'en a pas besoin, car il n'est pas mort, et ne mourra jamais.C'est une véritable tragédie juive."

"Je n'ai pas peur de dire que je soutiens l'idée d'un Etat palestinien, mais que je lutte contre toutes les formes d'antisémitisme; que je suis évidemment favorable à l'existence d'Israël,mais hostile à la volonté de conquête,d'extension des territoires,à la politique désastreuse de Benyamin  Netanyaou et de la droite conservatrice israélienne. Et je compatis à la souffrance des deux peuples! Une position modérée doit être possible en France. Même si cela semble parfois désespéré, je continue d'avoir confiance dans les forces de progrès de ce pays."

 

 

Article complet ici:

      http://www.telerama.fr/idees/l-antisemitisme-est-la-matrice-de-tous-les-racismes-elisabeth-roudinesco,115365.php


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