Dix ans bientôt que je fais de la politique, et je ne suis pas étonnée qu’on en soit là aujourd’hui.
Oui, on a le cul sur un chaudron.
Daesh et le climat qui se dérègle. Ou le climat qui se dérègle et Daesh. Et tout ce dont je n’ai même pas encore conscience.
Je ne sais pas lequel nous atteindra en premier.
En ce qui me concerne directement, tout ça ne m’émeut plus beaucoup.
Mourir de ça ou d’autre chose, après tout.
J’arrive à l’âge où l’on se sent de plus en plus en sursis. J’ai des amies qui se battent déjà, et merveilleusement bien, pour repousser certaines attaques qui mettent leur vie en danger.
Alors chaque nouvelle belle journée qui s’écoule paisible est gagnée.
C’est ça de pris sur l’ennemi, comme j’aime à le dire.
On s’habitue en fin de compte à vivre avec l’idée d’une catastrophe imminente.
Mais je me surprends à observer mes enfants à la dérobée.
Se rendent-ils compte ?
Peut –être me ménagent-ils comme je les ménage.
Nous parlons de notre quotidien, nous nous sourions, je les embrasse très tendrement le soir.
J’ai parfois un terrible sentiment de culpabilité de les avoir fait venir au monde.
Julie m’a demandé hier : « J’espère que le conflit syrien ne va pas se déplacer en Europe. »
J’ai juste répondu « J’espère aussi ». On a laissé se poser le silence. « Elle sait », me suis-je dit.
Je retrouve parfois cette sensation de panique froide que j’ai ressentie quand je me suis mise dans la peau d’une mère japonaise au lendemain de Fukushima.
Ne plus savoir comment protéger ses enfants. Comment leur mettre un toit sur la tête.
Et ce sentiment terrible d’impuissance totale. Et de trahison.
Nous confions notre sort à des dirigeants politiques qui sont tout sauf à la hauteur. Tout sauf dignes et courageux.
Et cela ne m’étonne plus. Depuis que je fais de la politique j’ai vu ce qu’elle était : une lente guerre d’usure où les plus crapules finissent par accéder à la première place car ils s’accommodent de toutes les trahisons, de tous les reniements.
Car comme ils le disent, il faut bien « faire un peu de politique » à un moment donné.
Je l’ai vu au Modem , je l’ai vu à Nouvelle Donne. Mes deux expériences de militante dans un parti.
Le militant est utilisé comme bras à tracter, et s’il pose des questions dérangeantes, et rappelle les fondamentaux sur lesquels il a adhéré, il est déclaré coupable de « procès d’intention » ou « manque de maturité politique » (version MoDem), et de « manque de confiance et de bienveillance « (version Nouvelle Donne).
La politique aujourd’hui est une histoire de mensonge et de reniement perpétuel.
Et ce n’est pas étonnant : nombre de politiques vivent de cette politique depuis plus de 20 ans et sont tétanisés à la veille d’élections.
Tous ces candidats aux régionales se vantent d’alliances signées parce qu’ils ont un besoin vital d’être réélus. S’ils ne le sont pas demain ils seront adhérents à Pôle Emploi pour bon nombre d’entre eux. Et ils savent pertinemment bien que leur CV ne vaut plus rien, si tant est qu’à pôle Emploi un CV quelconque puisse avoir de la valeur….Et le plus souvent ils le masquent, mais sont deux dans un couple à en vivre, de la politique.
On comprend leur angoisse, mais leur manque de liberté nous mène là où nous sommes aujourd’hui.
Au bord d’un gouffre terrible.
Alors je crois qu’il est plus que temps que nous trouvions les moyens de lutter efficacement contre cette politique- là. Contre ces politiques-là.
Parce qu’ils nous font courir des dangers terribles.
Et que rien ne justifie que nos enfants paient pour leurs errements permanents.
Et qu’on ne vienne pas me dire que je fais le jeu du FN, car les meilleurs alliés du FN, c’est eux.
Sylvie Tassin.