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10 janvier 2010 7 10 /01 /janvier /2010 23:20
Le jeune Hakim poignardé par un camarade d'école pour une histoire apparemment banale est décédé peu de temps après son opération.
L'élève agresseur avait une arme blanche.
Un enfant a été tué à l'école par un autre enfant.

Je crains que l'on nous repropose des portiques ou des équipes de fouille à l'intérieur des établissements-
ce sera traiter le symptôme et pas le mal. Et l'on sait que le symptôme reviendra, même sous une autre forme.

Je souhaite aujourd'hui rendre hommage à un groupe de chercheurs qui , dans le cadre des travaux de laboratoire du CIEN (centre interdisciplinaire sur l'enfant), ont mis en place un réseau international de groupes de recherche sous l'égide de Philippe Lacadée (psychiatre et psychanalyste) et Judith Miller (psychanalyste , fille de Jacques Lacan..
Le but de ce laboratoire est le travail  en pluridisciplinarité, enseignants, éducateurs, médecins,psychanalystes, magistrats, pour tenter de "bricoler" des solutions permettant de refaire circuler la parole, l'échange dans les établissements scolaires, entre professeurs et élèves, élèves et élèves, professeurs et professeurs..
Car la parole doit prendre toute sa place dans l'école.
Le principe d'action de ce laboratoire est d'ailleurs appelé "la conversation".

Pas de solution toute faite, mais des situations de tension , d'incompréhension, d'énigme évoquées qui remettent chacun en situation d'écoute, de croiser les regards et d'ouvrir des portes inattendues qui parfois, miraculeusement, amènent à un déclic, une étincelle, qui font que l'on entrevoit une manière de sortir de l'impasse.
Nous tatônnons, c'est un travail de fourmi ,où chacun admet avec humilité que le point de départ est que l'on ne sait pas : pas quoi faire, pas ce que l'on va trouver, pas si l'on va trouver....
Il y a quelques très beaux textes écrits par des membres du laboratoire, et des expériences extraordinaires comme celle du chef d'établissement Philippe Rosetto en Seine Saint Denis, retracée dans le film: "Quelle classe ma classe!"
Au CIEN pas de culture du chiffre et du résultat, pas de normatif, mais un respect de la différence, du mystère, du désir ou non de l'élève.
Je pense que cette approche doit envahir la culture des établissements, dans lesquels nous avons de moins en moins d'humain et de plus en plus de formulaires,de cloisonnement,  dans lesquels la parole n'est pas réel échange mais  vecteur de formatage.
C'est le règne du "ON" ne fait pas ça et non celui du" TU": qui es tu, que veux tu, tu m'intéresses.
C'est donc le règne de "je te dis" sans le "je t'écoute".
Je réalise de plus en plus que lorsque j'ai un rebelle patenté en face de moi , et que je le regarde en souriant, que je lui donne le statut de TU:, un sourire réponse se dessine aussi en face, toujours après un petit moment d'hésitation..
Il suffit de cette reconnaissance pour que tout à coup, la tension baisse de 10 crans.
La première fois que je suis entrée dans une classe dont on m'avait prédit le pire, j'ai décidé de les accueillir sur le pas de la porte, avec un regard et un sourire à chacun d'entre eux alors qu'ils franchissaient le seuil .
Par ce sourire je leur accordais ma confiance, spontanément, généreusement, et je refusais la situation de défensive qui aurait impliqué que je les avais pré-jugés.
J'étais nouvelle, du haut de mes 1m60, ils étaient en terminale ,1m80 en moyenne, le casque sur les oreilles et la capuche enfoncée, mais j'ai senti, à leur façon de s'asseoir,et de baisser leur capuche, qu'ils allaient me donner une chance.
Ces élèves en rupture ont besoin d'humains en face d'eux, d'humains qui assument leur statut d'humain-c'est à dire humblement "je ne sais pas tout- mais je vais essayer de trouver par exemple une amorce-pour créer le lien- sans lequel rien ne se fera- et quand chacun reste dans son monde-ce qui est  souvent le cas- les mondes ne se rencontrent pas, la frustration monte et l'explosion terrible et irréversible se produit.
Alors nous qui subissons tant en ce moment la culture du chiffre, de la norme, du formatage-nous devons je crois essayer d'aider ceux qui s'élèvent contre cela (le CIEN) car cette culture produit de la violence. L'humain n'a pas vocation à être réduit pour rentrer dans une case, cette réduction et ce déni de son potentiel d'humain le rendent fou.
Au point que l'irréversible se produit à la première étincelle.


Pour en savoir un peu plus.
http://www.uneecoledelexperience.fr/spip.php?article11
http://ri2007.champfreudien.org/index.php?nav=215
http://www.champfreudien.org/uploads/document/3c4dcae949525ed0cdb5a02003dcb0b2.pdf
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